Les jolies robes. Fétiches d’un idéal de beauté.

La mode est une importante expression de la créativité humaine. Au même titre que les beaux arts. Les beaux-arts, la musique, les films influencent la mode. Elle est riche en symbolisme.

Alexis Walker, adjointe à la conservation “ mode et textiles ” au Musée McCord.

Les modèles des années cinquante, par exemple, ne sont pas les mêmes que celles les années soixante. C’est un look totalement différent. Alors, tu peux dire que l’histoire de la mode c’est vraiment une histoire de l’évolution de l’idéal de beauté.

Regrouper des mannequins dans une galerie ne suffit pas. Une exposition sur la mode nécessite des thèmes. Pour que les visiteurs apprennent, retiennent, ressortent de l’exposition enrichis.

Pour l’exposition Poitras, les sources d’inspiration du créateur ont servi de thèmes, de fil conducteur :

  • Religion.
  • Cinéma.
  • Voyages.

Les thèmes aident à faire des choix puisqu’on ne peut pas tout inclure dans une exposition.

Je trouve cette étape difficile. Parce qu’il faut écarter des choses magnifiques qui ne cadrent pas avec les thèmes.

La sélection est basée sur le look du vêtement, mais aussi sur l’information qu’il donne. C’est le même processus pour les archives. La conservatrice fait un tri dans les croquis, les articles de journaux, les photos, les vidéos.

Des vêtements sur des mannequins, c’est une présentation statique. Il manque le corps humain. Si on peut ajouter une photo de l’époque montrant le type de corps qui était à la mode, les coiffures, le maquillage, si on a un vidéo montrant le vêtement en mouvement, ça enrichit l’exposition, ça donne du contexte.

Alexis Walker propose des expositions où les niveaux d’informations se superposent. Les jolies robes attirent et séduisent. Décrire leur tissu, leur patron, ce qui a inspiré leur création est un premier niveau d’information. Mais les robes sont plus que des jolies robes. Elles parlent d’art, de créativité, d’idéal de beauté, et même d’argent et de marketing.

Un monde d’hommes d’affaires

Poitras, par exemple, était un créateur de prêt-à-porter. Pour produire une grande quantité de vêtement de faire du marketing, il lui fallait travailler avec des manufacturiers. Il devait avoir l’appui d’une compagnie ayant des moyens : de l’argent.

Maintenant, ça n’existe plus. Mais pendant les années où Poitras était actif, on a eu une grande industrie de la mode, ici, avec des grands manufacturiers canadiens.

Par exemple, dans les années 1990 Poitras Design était lié avec Irving Samuel, un géant de l’industrie de la mode canadienne. Alors on a écrit une biographie et on a mis plusieurs photos, plusieurs exemples du type de vêtements qu’il a créés avec cette compagnie à l’époque.

Ce type d’information est offert sur des ipads, disséminés un peu partout dans l’exposition.

Exposer la « vérité »

Quand les gens sont vivants, c’est vraiment important de parler avec eux. De l’époque, de leurs souvenirs. Mais après trente ans, est-ce que les gens se souviennent de chaque détail? Probablement que non!

Voilà pourquoi il faut aussi faire des recherches dans les journaux et les magazines.

Comme musée, nous sommes la référence. Alors, bien sûr, on fait des erreurs de temps en temps, mais on essaie très fort d’être aussi proche de la vérité que possible.

Comment organiser le tout? Pour Poitras, des alcôves rappelant le cerveau du designer ont été créées. Dans chaque alcôve apparaissent des photos illustrant ce qui a influencé le créateur. Puis, le visiteur poursuit son chemin et voit les créations réalisées.

La mode, un art accessible mais intouchable

Tout le monde peut établir un rapport, une relation avec un vêtement. Même si c’est pour affirmer ‘j’aime pas ça’!

La mode touche tout le monde. Mais les visiteurs d’une exposition sur la mode ne peuvent pas toucher les vêtements. Des barrières imposent des limites.

C’est toujours important de garder une distance pour que tout soit bien protégé.

Bien sûr, les gens veulent toucher quand même. C’est ce qu’ils font dans les boutiques. Un compromis : l’échantillon.

Ce veston en soie ici, c’est un tissu spécial qui vient de Chine. Jean-Claude nous a donné un échantillon. Les gens peuvent le toucher. Pas le vêtement! Mais l’échantillon du tissu, oui.

Le premier rôle des conservateurs est de conserver.

Les tissus sont vraiment délicats. On peut pas mettre de lumières fortes sur les vêtements. On n’utilise jamais plus de cinquante lux pour illuminer les vêtements. C’est une règle du musée.

Des visiteurs se plaignent. Disent qu’il fait trop sombre.

C’est toujours une critique! Mais notre premier rôle comme ‘gardiens’ des vêtements, c’est de protéger ces vêtements.

L’entrevue complète

Bio

Chantal Francœur est professeure à l’École des médias de l’UQAM. Elle a pratiqué le journalisme à Radio-Canada, aux nouvelles et aux affaires publiques, pendant près de 20 ans. Elle est l’auteur de La transformation du service de l’information de Radio-Canada, de nombreux articles et chapitres de livres sur le journalisme, de compositions sonores, de Ma mère a l’Alzheimer, co-directrice de Relations publiques et journalisme à l’ère numérique.