Les répertoires des journalistes décrivant leurs liens avec les relationnistes.

Les journalistes exploitent différents répertoires interprétatifs pour décrire leurs liens avec les relations publiques. Ces différents répertoires peuvent être mobilisés dans une seule et même phrase, montrant la complexité des liens.

Les journalistes puisent dans plusieurs expériences et plusieurs identités à la fois pour décrire leurs échanges avec les relationnistes.

Les répertoires :

  • Le discours institutionnel du journalisme.
  • Le discours institutionnel des relationnistes.
  • Le répertoire invoquant la déontologie journalistique.
  • Le répertoire réaliste.
  • Le discours institutionnel du journalisme. Ici, un chargé de communication, « C’est quelqu’un qui, depuis des années, prétend être au service des journalistes, d’aider les journalistes à accéder à l’information, alors que dans les faits ils aident les journalistes à ne pas accéder. À accéder à une information qu’ils veulent bien transmettre. C’est épouvantable parce qu’on est supposé travailler avec la matière brute. »

    Le discours institutionnel des relationnistes. Ce discours reprend les énoncés auxquels on s’attend de la part d’un relationniste : « Le rôle des relations publiques c’est de faire connaître et partager l’information sur un client ou un employeur. »

    Le répertoire invoquant la déontologie journalistique. Il fait référence aux obligations d’équilibre et d’équité des journalistes : « On est obligés [de se tourner vers les relationnistes]. On peut pas faire un reportage crédible lorsqu’on n’a pas, à tout le moins, informé les gens puis leur avoir offert une possibilité de donner leur point de vue. »

    Le répertoire réaliste. Les journalistes constatent qu’ils reprennent les dires ou les chiffres de relationnistes sans les questionner. Par exemple : « Un portrait du nombre d’employés, ou le nombre de pieds carrés, des trucs comme ça qui sont plus des faits incontestables » ou encore, «  Si Hydro-Québec nous dit qu’il y a 300 000 abonnés dans le noir, on ne va pas commencer à aller les compter, on les croit. 300 000, c’est ce qu’on écrit, “ selon Hydro-Québec…” . »

    Le répertoire réaliste peut être subdivisé :

  • Le répertoire de la « game ». Ce répertoire renvoie aux échanges obligés, aux tensions que cela crée, aux incompréhensions que cela engendre et à l’acceptation de cette joute : « Ça permet de travailler mieux dans certains cas, mais ça leur permet de nous déjouer aussi dans plusieurs cas. L’heure de tombée… il y en a plusieurs qui sont extrêmement habiles avec ça. Ils vont nous rappeler cinq minutes avant l’heure de tombée puis donc comme ça ils ne peuvent pas être accusés de ne pas avoir répondu, mais on peut pas revenir avec des sous-questions et des demandes de précisions. »
  • Le répertoire « cul de sac » est celui dans lequel les journalistes puisent quand ils font face à un mur. Lorsqu’il n’y a pas d’échange, pas de relance, pas de négociation possible : « Tu envoies dix questions, ils ne répondent qu’à une, qui ne répond à rien en fait. »
  • Le répertoire « stratégique » est celui que les journalises utilisent pour les occasions où ils décident de faire équipe avec un relationniste : « Le relationniste qui sait que tu es rigoureux, qui a un sujet sensible et qui ne veut pas que ça sorte n’importe comment dans les médias, il va t’appeler toi. Il va te donner le scoop. Puis après ça va sortir d’une certaine manière. Tu sais, ça va éviter un peu les scandales ou enfin contrôler le message un peu mieux… ». Ou encore, « Un bon réseau de relationnistes qui travaillent pour toi et qui a confiance en toi, c’est vraiment bon pour toi. »
  • Les journalistes acceptent la relation obligée avec les relationnistes. Comme leur discours le démontre, ils puisent dans plusieurs répertoires interprétatifs pour expliquer, codifier cette relation.

    Référence

    Francoeur, C. (2014). Les répertoires interprétatifs des journalistes discutant de leurs liens avec les relations publiques : les paradoxes et contradictions réconciliées. Communication&Organisation,2(46), https://journals.openedition.org/communicationorganisation/4801

    Bio

    Chantal Francœur est professeure à l’École des médias de l’UQAM. Elle a pratiqué le journalisme à Radio-Canada, aux nouvelles et aux affaires publiques, pendant près de 20 ans. Elle est l’auteur de La transformation du service de l’information de Radio-Canada, de nombreux articles et chapitres de livres sur le journalisme, de compositions sonores, de Ma mère a l’Alzheimer, co-directrice de Relations publiques et journalisme à l’ère numérique.