Le journalisme est vu ici comme un discours. Un discours qui a du pouvoir : le pouvoir de produire des sujets et des objets, le pouvoir de produire de la vérité.
Vérité signifie ici « un régime d’évidences » ou des « techniques d’activation d’évidences ». Cette vérité, produite par le discours, confirme le discours et le renforce.
Les relations publiques, dans ce contexte, sont à la fois « un système de connaissance, une technique d’intervention dans le discours, une puissance concrète et une pratique d’assujettissement » : « a knowledge system, a discourse technology, a power effect and a subjectifying practice » (Motion et Leitch, 2009, p.92). Les relations publiques créent de la connaissance (de l’information), elles interviennent dans le discours journalistique et elles y ont un pouvoir concret pouvant mener à l’assujettissement du journalisme.
En opérant dans le discours journalistique au sens foucaldien, les relations publiques maintiennent la crédibilité et le pouvoir du discours journalistique et en bénéficient : en occupant l’espace journalistique, les relations publiques tirent profit de la plus-value liée au discours journalistique. L’autorité des sources apparaissant dans les nouvelles est renforcée, elle acquiert de la légitimité.
Les relationnistes interviennent dans le discours journalistique comme des journalistes internes, défenseurs et promoteurs des points de vue de leurs clients ou de leurs causes. En jouant un rôle hybride de journalistes-au-service-d’intérêts-particuliers, les relationnistes circonscrivent les actions possibles des journalistes. Ils les guident vers du contenu pré-formaté, à insérer tel quel dans les reportages.
Les journalistes ne marchent pas aveuglément dans les sentiers tracés par les relationnistes. Ils doutent, ils vérifient, ils contredisent, ils complètent. Ils choisissent comment ils présentent les faits, les événements, à qui ils donnent la parole, dans quel contexte, etc. Ils refusent de reprendre certains communiqués de presse, de couvrir certains événements, ou à l’inverse, ils décident d’adopter des angles de reportage suggérés par des relationnistes ou ils diffusent des nouvelles proposées par des relationnistes.
Mais les journalistes travaillent dans un espace circonscrit, et souvent avec une cueillette limitée : à quoi le journaliste a-t-il eu accès, à qui a-t-il pu parler, qu’a-t-il réussi à valider, quelles questions restent en suspens?
Ce qui apparaît dans les reportages est le résultat de luttes de pouvoir : qui y dit quoi, représentant quel groupe, présenté de quelle façon, avec quelle mise en contexte est le résultat d’une bataille de pouvoir. Cottle (2003) décrit cette relation de pouvoir comme un rituel, où chaque partie – journaliste, relationniste – tente de posséder le script (p. 17).
En reconnaissant cela, les questions suivantes émergent : Les relationnistes, ces journalistes internes, ces producteurs de contenu, peuvent-ils se passer des journalistes et du journalisme? Jusqu’à quel point les relations publiques peuvent-elles occuper le discours journalistique sans nuire au pouvoir du journalisme? Y a-t-il un moment où les relations publiques saturent le journalisme au point où elles neutralisent son pouvoir?
Les relations publiques ont besoin du pouvoir journalistique, mais si elles investissent trop le journalisme, elle risque de le dénaturer et de lui faire perdre de la crédibilité. Les relationnistes ont-ils intérêt à maintenir la frontière entre relations publiques et journalisme, à maintenir le pouvoir du journalisme? Autrement dit, à partir de quel moment faut-il mettre un frein à la « PR-isation » (Jackson et Moloney, 2016) des salles de nouvelles?
Référence
Francoeur, C. (2017). Les relations publiques, une puissance concrète occupant le discours journalistique. Dans N. Broustau, C. Francoeur (dir.) Relations publiques et journalisme : dynamiques de collaboration, de conflit et de consentement, (p. 43-70), Québec : PUQ.
Francoeur, C. (2017). Quand les relationnistes repoussent la frontière les séparant du journalisme ». A. Poitras (dir). L’État du Québec 2017, (p. 185-102). Montréal : Del Busso.