Le corps du journaliste est un outil.

Théoriser le corps du journaliste. En puisant dans l’ethnographie et la géographie, dont les méthodes et les visées rejoignent en partie le journalisme.

Le corps du journaliste peut être mobilisé dès le choix du sujet du reportage et jusqu’à la mise en forme finale. Le corps est un outil capteur, transducteur et dépositaire d’information, au service de la démarche journalistique.

Quand les journalistes reconnaissent leur corps comme un outil capteur, un médium pour percevoir, interpréter et ressentir le monde, ils s’ouvrent à de possibles « épiphanies sensibles ».

Leur corps en mode d’attention somatique devient un site sur lequel s’inscrivent les enjeux sociaux.

La « transduction » journalistique pourrait quant à elle être décrite ainsi : ensemble d’activités comprises entre le captage et l’analyse de signaux internes et externes du corps jusqu’à la mise en forme finale du reportage, ayant pour but de s’ouvrir aux autres, d’absorber leur réalité et de la décrire; ayant aussi pour but de questionner les méthodes et l’épistémologie journalistiques.

Plusieurs canaux d’analyse sont ouverts à la fois, reflétant la « grammaire multimodale » et la « corporalité méthodologique » à l’œuvre.

Le corps des journalistes est enfin « dépositaire » des collectes et transductions réalisées au fil des reportages. Les voix que les journalistes transmettent dans l’espace public sont passées par le sas journalistique corporel, elles y ont laissées des traces. Les journalistes attentifs à leur corps sont en quelque sorte tatoués. Ce corps marqué, enrichi, dépositaire, pourra servir à nouveau, de façon plus alerte et plus aiguisée, branché sur l’épistémologie de la société.

Le corps expressif et sensoriel du journaliste interagira différemment et organisera différemment les informations lorsqu’il accomplira sa tâche de « décrire la trame des expériences collectives ».

Référence

Francoeur, C. (2020). Le corps du journaliste : un outil capteur, transducteur et dépositaire au service de la démarche journalistique. Revue Française des Sciences de l’information et de la communication. 19, en ligne.

Bio

Chantal Francœur est professeure à l’École des médias de l’UQAM. Elle a pratiqué le journalisme à Radio-Canada, aux nouvelles et aux affaires publiques, pendant près de 20 ans. Elle est l’auteur de La transformation du service de l’information de Radio-Canada, de nombreux articles et chapitres de livres sur le journalisme, de compositions sonores, de Ma mère a l’Alzheimer, co-directrice de Relations publiques et journalisme à l’ère numérique.