Revisiter les formats journalistiques.

Pourquoi chercher à renouveler les formats journalistiques audio?

Parce que les nouvelles audio — ou radio —ont presque toujours la même forme, le même ton, la même façon de décrire les acteurs sociaux, le même élan dans la présentation et dans la cristallisation d’opinions.

En général, les nouvelles audio prennent la forme suivante : Narration du journaliste; citation; narration du journaliste; citation; conclusion du journaliste.

Ces formats ont leur raison d’être : le but d’un reportage est d’être entendu, compris et cru. L’ordre et la synchronisation des mots et des phrases, le ton et les sons sont cruciaux. Une journaliste aura bien fait son travail si, par exemple, les auditeurs ont compris que le thème d’une nouvelle est l’économie, le sous-thème est le chômage et que la « nouvelle » dans la nouvelle est une bonne nouvelle.

Autrement dit, faire comprendre aux auditeurs qu’il y a une bonne nouvelle dans le secteur du chômage est une performance honorable pour un journaliste audio. Voilà pourquoi les nouvelles audio doivent se conformer à des patrons ou à des formats précis.

Les patrons audio constituent toutefois une prison parce qu’ils limitent le champ de ce qui peut être dit et dévoilé.

Les informations n’entrant pas dans ces formats sont tues, n’existent pas. Les patrons audios enferment ou contrôlent les journalistes et leur auditoire. En respectant les formats journalistiques conventionnels, les journalistes renforcent les hiérarchies de la société, les valeurs dominantes, les rapports de force existants.

Vues de cette façon, les nouvelles restent confinées à une fonction de reproduction et de fixation des relations sociales telles qu’elles sont. Plutôt que d’informer le citoyen, les nouvelles forment le citoyen à fonctionner dans la société. Les nouvelles semblent plutôt l’in-former.

En renouvelant les formats journalistiques le champ de ce qui peut être dit et dévoilé s’élargit, le status quo imposé par les patrons convenus est brisé.

Par exemple ici, une des particularités de l’œuvre est que les conditions de production des journalistes sont révélées sans être décrites de façon formelle avec une voix narrative autoritaire. Les conditions de production sont imbriquées, tissées, dans la nouvelle.

Référence

Francoeur, C. (2022). Journalisme multiplateforme, journaliste fragmenté. Facts & Frictions, 1(2). https://factsandfrictions.ca/portfolio-item/francoeur/

Francoeur, C. (2012). Informer ou in-former : les formats journalistiques au service du statu quo. COMMposite, 15(1-2). http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/127.

Bio

Chantal Francœur est professeure à l’École des médias de l’UQAM. Elle a pratiqué le journalisme à Radio-Canada, aux nouvelles et aux affaires publiques, pendant près de 20 ans. Elle est l’auteur de La transformation du service de l’information de Radio-Canada, de nombreux articles et chapitres de livres sur le journalisme, de compositions sonores, de Ma mère a l’Alzheimer, co-directrice de Relations publiques et journalisme à l’ère numérique.